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Pas de panique ?

Dernière mise à jour : 6 août 2022

Vous ne l’avez peut-être pas relevé, mais nous avons été récemment informés que nous venions d’atteindre une limite planétaire supplémentaire. Cette nouvelle est passée largement inaperçue, alors que c’est la sixième, et que celle-ci concerne le cycle de l’eau douce, indispensable à toute vie sur terre.

Comme ce n’est pas la première fois, je me suis demandé quelles étaient les précédentes que nous avions franchies dans une quasi indifférence générale. Rien de bien grave, puisqu’il s’agit simplement du changement climatique, de l'érosion de la biodiversité, des perturbations globales du cycle de l'azote et du phosphore, de l'usage des sols, et de la pollution chimique, et pour lesquels nous avons touché des points de non-retour.

Pour me rassurer, je me suis dit que pour le reste, nous devrions avoir de la marge, et le temps d’éviter le pire.

Que nenni.

Parmi les prochains seuils, nous sommes proches de franchir celui de l’acidification des océans. Rien de bien surprenant, la forêt amazonienne se réduisant comme peau de chagrin, ils ont pris le relai pour absorber le CO2, avec les conséquences que nous constatons sur les barrières de corail, et plus généralement, la persistance des écosystèmes marins.

Quant aux deux dernières limites, nous avons su repousser une alerte il y a quelques décennies concernant la disparition de la couche d’ozone qui nous protège en partie des rayons nocifs du soleil, et nous commençons à nous préoccuper de la concentration en aérosols atmosphériques.

Loin d’être anecdotiques, ces bouleversements irréversibles signifient que la Terre émerge de l’anthropocène dans un nouvel équilibre biophysique nettement moins favorable à la nature telle qu’elle a prospéré pendant l’holocène, y compris en faveur de l'essor des humains.

Nous avons oublié que notre évolution foudroyante n’a été possible que grâce à un climat relativement stable et une riche biodiversité. On ne se rappelle pas assez que des civilisations florissantes de la fin de l’âge de bronze, qui étaient très dépendantes de leur environnement immédiat, n’ont pas échappé à une vague de sécheresse au Moyen-Orient vers -1300 ans av. J.-C., peu après un épisode essentiel pour l’avenir des humains que je raconte dans Les Noviens.

Personne n’aurait imaginé qu’en trois générations, les terriens parviendraient à modifier les températures moyennes sur leur planète, à des niveaux oubliés depuis 5 à 10 millions d’années. Ce changement s’avère bien trop rapide pour que l’ensemble de la faune et la flore ait le temps de s’adapter pour survivre. Bien que nous soyons dans le même bateau que les autres espèces vivantes, nous tolérons ce comportement égoïste, car notre ingéniosité nous autorise à contourner (provisoirement) le problème, par exemple en utilisant la climatisation à grande échelle.

Mais y a-t-il une solution à toutes les crises ?

Montaigne a dit « Qui veut voyager loin ménage sa monture » dans Les Essais, et il ne pensait pas si bien dire. En effet, nous ne devrions pas perdre de vue que la Terre est le vaisseau qui nous transporte confortablement dans notre périple au milieu de l’espace en pourvoyant à tous nos besoins. Cependant, les ressources qu’elle met à notre disposition sont par définition finies, et certaines sont plus rares qu’on ne le croit, comme le phosphore sans lequel les plantes ne peuvent pas pousser.

Nous sommes donc tout simplement confrontés à une urgence planétaire, et presque tout le monde s’en moque alors que nous devrions être dans un état d’anxiété tel que rien d’autre ne devrait compter.

Et pourtant, pas de mobilisation générale, et ce n’est pas faute d’être informés.

C’est la mission que s’est donnée le Stockholm Resilience Center. Ses membres ont déterminé les limites de la planète qu’il serait dangereux de dépasser et en en suivent l’évolution dans le but d’alerter les terriens à chaque fois que des seuils intermédiaires et critiques sont franchis. En vain malheureusement.

Force est de constater que la fonction « bouton panique » de notre cerveau a été désactivée depuis un certain temps. Quand et comment reste un mystère. Enfin, pas tout à fait. J'ai le conviction que le maintien des terriens dans une vague insouciance procède d'une volonté de maintenir les ressort de la consommation et d'éviter un délitement social et politique.

Plutôt que d’accepter le stress salvateur qui nous obligerait à prendre les mesures nécessaires à notre survie, nous nous complaisons plus ou moins de bon cœur dans une apathie autodestructrice, convaincus que les individus, les communautés, voire les États seuls ne peuvent rien face aux défis de notre temps.

Ou alors, nous avons impérieusement besoin d’un péril sur notre chemin, quitte à l’engendrer nous même pour éviter de nous ennuyer. Remonter sans répit la pente tels des Sisyphe de la survivance, trouver des solutions à des obstacles de plus en plus complexes et avoir une raison de nous battre pour un lendemain semblent des moteurs indispensables à l’espèce humaine.

Le problème est que nous ne sommes pas tous égaux en ce qui concerne les éléments de motivation qui nous animent.

Beaucoup d’entre nous ne seraient pas opposés à une vie plus paisible, avec moins d’enjeux et de récompenses. Nombreux n’ont pas demandé à vivre dans une période transitoire marquée par des chocs climatiques fréquents et violents contre lesquels nous nous sentons démunis.

Et même la stratégie de la lutte perpétuelle pour la survie risque d’échouer.

Ayant atteint des points de non-retour, il n’y a plus grand-chose que nous puissions faire, à part ralentir certains changements, en montrant un entrain modéré, car nul n’est volontaire pour faire des sacrifices nécessaires.

Nous serions donc prêts à jouer notre peau à l'échelle planétaire, à tester des conditions de vie complètement différentes de celles que nous avons connues depuis l’aube de l’humanité et à compter sur la persistance du moteur de notre civilisation qui nous conduit à nous réinventer sans cesse…

Reste à savoir si notre intelligence humaine (et de moins en moins animale) demeurera notre force ou s’avèrera notre faiblesse en matière de survie de l’espèce à long terme. L’évolution de la natalité dans le monde sera un signe (bien que la droite religieuse américaine ne l’entende pas de cette oreille apparemment…).

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