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Photo du rédacteurGuilhem Lucubrastel

Les bonnes étoiles existent-elles vraiment ?

Vous êtes un certain nombre à m’interroger sur cette aventure d’écriture que j’avais gardée un peu secrète, notamment dans l’hypothèse où elle n’aboutirait pas. Maintenant que le livre est disponible, les questions sont plus spécifiques, et j’y réponds sur Facebook. La dernière en date « quelle est la part de toi-même incorporée dans les personnages et dans l’histoire ? » mérite que je développe un peu ma réponse.

Une des premières interrogations auxquelles j’ai répondu concernait mon choix de positionner un personnage féminin comme narratrice, et aussi actrice au centre du récit. Cette approche s’est imposée à moi dès le départ comme le meilleur moyen de ne pas me mettre en scène, ce qui m’aurait paru totalement déplacé, voire déplaisant. J’ai l’impression que de ce point de vue, j’ai été particulièrement influencé par un film avec Jean-Paul Belmondo, Le Magnifique…

Est-ce à dire que le recul est absolu ? N’y a-t-il pas dans la vie de Carrie-Ann des points communs avec des expériences vécues ? S’agit-il de pures coïncidences ?

J’admets bien volontiers que ce n’est pas le cas, il y a des correspondances délibérées, à la fois sur un plan un peu global concernant la destinée de Carrie-Ann, et de manière plus spécifique au cours de sa vie.

So, let’s get more personal.

J’ai fait ma Seconde à Tarbes, et à part à apprendre les verbes irréguliers grâce (et non à cause) d’une prof d’espagnol qui nous interrogeait aléatoirement au début de chaque cours, on ne peut pas dire que j’étais à bloc. Pourtant, un jour mon prof de français s’est approché de moi et m’a demandé si je savais ce que je voulais faire plus tard. Je lui ai dit que franchement non, et il a prononcé des mots qui allaient structurer ma vie « Vous devriez penser à intégrer Science Po ».

Je ne l’ai pas pris au sérieux, au moins pendant un temps, dans le sens où je n’ai pas vraiment bossé davantage dans cette perspective (en gros mon objectif était d’éviter le redoublement et d’avoir du temps à moi).

Arrivent les résultats du bac, que j’obtiens sans passer l’oral, mais avec seulement deux points au-dessus de la moyenne (grâce à huit points gagnés avec l’option sport). Il faut souligner que je n’ai pas obtenu des notes moyennes dans toutes les matières, j’ai fait le grand écart entre de mauvaises et de bonnes notes, notamment en sciences éco.

Parcousup n’existait pas encore, il fallait s’inscrire directement en BTS ou à la fac si on n’avait pas passé et réussi des concours d’entrée ou n'étions pas éligibles à des classes préparatoires. Mais une bonne étoile qui avait commencé à pointer son nez quelques années auparavant est réapparue. Je ne sais plus comment j’ai entendu parler d’Ipesup (une pub probablement), mais la remarque de mon prof de français m’est revenue à l’esprit. J’avais de plus été sensible au fait qu’il fallait passer un test d’aptitude assez sérieux pour être pris. Je n'y croyais qu’à moitié, mais je l’ai pris au sérieux, et ils m’ont sélectionné. Avant de faire un fast forward, j’en profite pour remercier mes parents, car Ipesup donnait une formation de qualité, mais couteuse. Je me rappelle encore mon père en train de remplir une dizaine de chèques pour couvrir les frais de scolarité…

Arrivent les résultats du concours de Science Po affichés en face de l’entrée rue St Guillaume (haha, un autre signe ?). Nous étions plusieurs passés par Ipesup à nous bousculer pour constater si nos noms étaient affichés. Le mien y était, mais pas celui d’une fille qui était avec nous. Je me rappelle encore sa réflexion spontanée à cet instant « Je ne le crois pas, toi tu l’as eu, mais pas moi ». Quand je raconte cette anecdote, on me dit qu’elle était vraiment nulle cette remarque. Sans doute, mais moi j’y vois autre chose. There is more than meet the eyes. C’est autant vrai pour soi-même que pour les autres, il ne faut jamais l’oublier.

Pour finir cet épisode, et retrouver Carrie-Ann, il se trouve que je suis retourné une seule une fois à Tarbes, quand j’étais en année préparatoire à Sciences Po. Et devinez qui je croise dans la rue en plein centre-ville complètement par hasard, mon prof de français de Seconde. Et là, non seulement il me reconnait, mais en plus il me dit « Bonjour Monsieur Burtschell, comment allez-vous ? ». Je me suis senti très honteux sur le moment, car je ne me rappelais plus son nom, seulement de lui et de l’impact qu’il a eu sur ma vie. En revanche, je n’ai pas manqué de lui dire ce que je faisais, et de lui rendre hommage. Son sourire m’a laissé penser qu’il avait ressenti le sentiment du devoir accompli.

Après nos parents, c’est à nos professeurs que nous devons le plus, j’y fais donc référence dans le livre plus ou moins directement.

Le deuxième lien entre une destinée réelle et une fictive intervient plus tard, dans le cadre professionnel, avec plusieurs interrogations en arrière-plan, celle des choix « de carrière », de l’employabilité et des compromis que l’on peut être amené à faire (ou pas).

Je vais plutôt parler de mon personnage principal sur ces sujets afin de garder une certaine distance, tout en assumant des partis-pris scénaristiques.

Le premier concernant Carrie-Ann est de ne pas avoir créé une dynamique personnelle autour de l’idée d’une revanche à prendre sur le destin. Au contraire, elle a tous les atouts pour réussir, en apparence du moins. Même si ce n’est pas central, ce ne veut pas dire que tout lui est acquis pour autant et que les plafonds de verre sont inexistants.

Le deuxième est d'avoir choisi une spécialité assez périphérique pour mon héroïne, la psychologie, comme moteur de son développement personnel et professionnel. Il n’est effectivement pas évident de percer dans une carrière quand on choisit de faire ce que l’on aime, et de sortir des sentiers battus. Et pourtant, n’est-ce pas alors que l’on donne de meilleur de soi-même ?

J’ai ainsi souhaité mettre le facteur humain au centre du drame qui se joue, sous nos yeux parfois, et dans les livres souvent. Il est toujours le facteur de succès ou d’échec, et son importance est généralement sous-estimée. J’aurais l’occasion de revenir là-dessus dans d’autres posts (notamment l’homéostasie du risque).

Dans Les Noviens, j’aborde entre autres la question des biais cognitifs qui expliquent bien des choses auxquelles on ne pense pas forcément, et pourtant, si nous savions…

Du fait d'un intérêt plutôt centré sur notre friabilité, on a l’impression au début de son aventure que Carrie-Ann sera cantonnée à des rôles secondaires. C’est grâce au soutien qu’elle reçoit de la part de ceux qui assument des responsabilités dans les missions auxquelles elle est associée, et qui croient en elle (sans doute plus qu’elle-même), que des opportunités se font jour. Elle sait en tirer avantage pour s’illustrer et faire face à des défis que les réponses classiques et formatées ne permettent pas forcément de résoudre.

En même temps, elle bénéficie de coups de pouce « du destin », ce qui m’amène à cette question d’anges gardiens et des bonnes étoiles que j'ai choisie pour répondre à la question des liens existants entre un auteur et sa création.

Je m’amuse souvent avec les doubles sens, les allusions et les niveaux multiples de compréhension.

C’est très clairement le cas dans mon livre.

Il y a les Universiens dont l’existence commence à être dévoilée dans des chroniques sur Les Noviens, mais je n’en dirai pas plus.

Il y a les étoiles, sources de vie, mais aussi l’objet le plus dangereux de l’Univers.

Il y a la chance, celle d’exister, très probable en théorie compte tenu du nombre de mondes potentiellement habitables, beaucoup moins sur le plan empirique puisque nous ne connaissons que nous…

Il y a le destin de l’humanité dont la bonne étoile commence à être un peu frustrée par ces hommes et ces femmes qui se mettent en péril au point où sa fin est devenue statistiquement possible !

Il y a nous, un peu perdus entre la gestion de notre destinée individuelle, en essayant de ne pas gaspiller la chance que nous avons de vivre, et celle de notre appartenance à une collectivité qui n’a jamais eu réellement le contrôle d’elle-même.

Il y a l’idée qu’un individu averti (pas l’information, la connaissance et la réflexion) en vaut deux, ce qui est sa chance quand il sait la saisir, et sa perte quand il la dédaigne.

Le livre Les Noviens se transforme en une sorte de parabole autour de l’idée que le destin finit toujours par nous rattraper, que nos bonnes étoiles risquent de nous lâcher et que les anges gardiens pourraient se fâcher face à notre manque de discernement.

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